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19 avril 2014

La classe inversée, en sciences

L’atelier de la classe inversée était animé par Marie-Élaine Jobin qui est enseignante de chimie en 5e secondaire et de sciences et technologie en 4e secondaire au Collège Nouvelles Frontières. Depuis le début de l’année scolaire, elle utilise le principe de la classe inversée avec ses deux groupes d’élèves en chimie, car elle trouve que cette formule s’applique bien au contenu du cours. Toutefois, elle ne se verrait pas effectuer une formule 100% inversée avec son cours de 4e secondaire, car elle trouve que celui-ci s’y adapte moins bien.

La classe inversée
La classe inversée vise à inverser l’approche plus traditionnelle de l’enseignement. L’approche pédagogique de la classe inversée permet aux élèves de découvrir la théorie à leur propre rythme à la maison et de réserver le temps de classe à des activités d’intégration de la matière où l’enseignant devient plus libre de guider et d’interagir directement avec les élèves lorsqu’ils en ont besoin dans leur apprentissage. En bref, la théorie est vue à la maison et les devoirs se font en classe.

Les défis
Un des premiers défis qui a été constaté en utilisant la classe inversée est que les élèves avaient beaucoup de difficultés à bien gérer leur temps au départ. Toutefois, la plupart ont réussi à bien s’adapter et les élèves sont maintenant beaucoup plus autonomes. Ainsi, ils sont plus prêts pour le Cégep. En général, le principe de la classe inversée est plus difficile pour les élèves paresseux, car ils doivent obligatoirement s’investir et s’engager pour réussir. De plus, certains parents peuvent être résistants à un tel changement. Certains pensent que l’enseignant est paresseux et ne veut plus donner de cours. Il faut alors les convaincre des bénéfices de la classe inversée.

Conseils
Pour les enseignants qui voudraient essayer le principe de la classe inversée, madame Jobin leur suggère de faire de courtes vidéos (3 minutes environ). De plus, elle suggère de remettre une planification détaillée à l’avance aux élèves. Ils sauront ainsi où ils sont rendus et ce qu’ils devront faire ensuite. Il faut aussi prévoir des règles qui seront clairement expliquées aux élèves ainsi que des conséquences pour ceux qui ne les respecteront pas. En même temps, il faut être à l’écoute des élèves pour les rassurer lorsqu’ils sont inquiets et les motiver lorsqu’ils sont désengagés.

Création de vidéos
Pour créer ses vidéos, madame Jobin utilise le logiciel Keynote pour créer son support visuel, ainsi que ScreenFlow pour enregistrer son écran d’ordinateur ainsi que la narration. Elle publie ensuite le résultat sur sa chaîne Youtube. Madame Jobin a insisté sur le fait qu’il s’agit de sa manière de faire, mais qu’il existe d’autres alternatives. À chacun sa façon !

Elle partage ensuite ses vidéos Youtube sur Didacti ainsi que sur son blog. Les élèves utilisent principalement Didacti, mais son blog lui permet de se dépanner si la plateforme Didacti éprouve des difficultés. Ainsi, les élèves ne peuvent pas avoir d’excuses, car il est possible de trouver les vidéos à deux endroits distincts.

Voici un exemple de vidéo produit par madame Jobin :
https://www.youtube.com/watch?v=QQ5VdU5uGeM

Modification de l’évaluation
Marie-Élaine Jobin a aussi décidé de complètement revoir sa méthode d’évaluation. Avec la classe inversée, elle a remarqué que certains élèves étaient plus rapides, alors que d’autres étaient plus lents. Pour permettre à chaque élève d’apprendre à son propre rythme, elle a décidé d’augmenter la fréquence des évaluations et de ne donner que des minitests aux élèves. Il n’y a plus de gros examens. L’enseignante a préféré séquencer les notions pour faire plusieurs évaluations. Ainsi, certaines périodes en classe sont réservées à la passation des minitests, mais ce sont les élèves eux-mêmes qui doivent s’inscrire aux minitests qu’ils désirent passer pendant cette période. L’enseignante suggère tout de même aux élèves une planification de la passation des tests pour que les élèves puissent savoir s’ils sont en retard ou bien en avance sur la planification normale. Madame Jobin offre aussi à ses élèves la possibilité de reprendre un test qui n’a pas été bien réussi. Par contre, à la deuxième passation, les élèves ne peuvent pas obtenir plus de 75%. À la troisième passation, les élèves ne peuvent pas obtenir plus de 60%. Cette contrainte permet aux élèves de se rattraper en cas d’échec sans pour autant être avantagés par rapport aux élèves qui auraient déjà bien performé dès leur premier essai.

Le premier avantage de cette évaluation est qu’elle ne met plus l’emphase sur l’aspect punitif des évaluations plus traditionnelles. En effet, dans une évaluation plus traditionnelle, un élève qui échoue un examen ne revient généralement pas sur la matière qu’il n’a pas bien assimilé et passe directement au prochain examen sans bien comprendre les notions préalables. Un élève qui échoue un examen accumule donc du retard pour l’examen suivant. La nouvelle méthode d’évaluation proposée par Mme Jobin ne vise pas à mesurer la compréhension d’un élève sur une notion à un moment bien précis, mais plutôt à démontrer que l’élève a bien assimilé cette notion à un moment ou l’autre dans l’année (dans un délai raisonnable). Ce changement dans l’évaluation a eu pour effet que les élèves consultent régulièrement leurs évaluations corrigées afin de comprendre leur erreur. Un autre avantage de cette méthode est qu’elle permet de s’adapter à la progression de chaque élève. Dans une évaluation plus traditionnelle, un élève qui aurait beaucoup d’avance sur la matière devrait revenir en arrière pour se préparer à l’examen. Dans la nouvelle méthode d’évaluation, il peut être évalué sur la matière qu’il vient d’assimiler au moment où il le choisit. Finalement, cette méthode d’évaluation laisse une lueur d’espoir aux élèves en difficulté qui peuvent voir leurs efforts récompensés. Un échec est donc beaucoup moins décourageant que dans une évaluation plus traditionnelle, puisque les élèves ont la chance de se rattraper. Un inconvénient de cette méthode est qu’elle est beaucoup plus exigeante pour l’enseignant, qui doit créer plusieurs version de la même évaluation et qui doit gérer la progression différente de chaque élève.

Programme COOP
Le programme COOP est une initiative de Marie-Élaine Jobin afin de motiver les élèves plus rapides et qui prennent de l’avance sur la matière. Ce programme est accessible aux élèves sous trois conditions. Tout d’abord, ils doivent terminer tous les exercices au moins deux jours avant la date de l’évaluation. Par la suite, ils doivent réussir un minitest portant sur l’ensemble de la matière vue au cours du chapitre. Finalement, ils doivent aider les autres élèves de façon significative. Un élève qui remplit tous ces critères peut alors faire partie du programme COOP et se voit attribuer un bonus de 4% à son évaluation. Les élèves faisant partie de ce programme sont alors reconnus comme des aidants en classe et se font attribuer des groupes d’études qu’ils rencontrent en classe au besoin. Les groupes d’études sont composés d’élèves en danger d’échec ou bien d’élèves qui désirent faire partie d’un groupe d’étude. Les élèves COOP sont en quelques sorte les piliers de la classe et sont d’une aide précieuse à l’enseignante.

Plusieurs points positifs sont ressortis de ce programme. Tout d’abord, celui-ci contribue grandement à motiver les élèves qui apprennent plus rapidement que les autres. Par ailleurs, l’enseignante a remarqué que les élèves sont beaucoup plus intéressés à faire partie de ce programme pour le statut qu’il procure et pour pouvoir venir en aide aux autres élèves que pour obtenir un bonus à leur évaluation. Il s’agit d’une grande responsabilité pour eux et ils prennent très au sérieux leur statut d’aidant. Ces élèves vont jusqu’à réviser leurs notes de cours afin d’être bien préparés à n’importe quelle question qui pourrait leur être posée par les autres élèves. Les élèves aidants ont aussi mentionné qu’ils maîtrisent mieux la matière depuis qu’ils doivent l’expliquer aux autres. En plus d’être bénéfique pour les élèves COOP, ce programme profite aussi à l’ensemble de la classe. En effet, certains élèves qui sont plus timides à l’idée de poser des questions à l’enseignante se tournent beaucoup vers les élèves COOP afin d’obtenir de l’aide. Les élèves faisant partie des groupes d’études ont aussi mentionné que ces périodes d’entraide avec un élève COOP leur étaient très utiles. Finalement, les élèves ont témoigné que ce programme contribuait à briser le stéréotype des élèves « bollés » qui travaillent seuls dans leur coin et favorisait les interactions sociales entre des élèves qui ne se seraient probablement pas parlé autrement.

Conclusion
Le bilan dressé par Mme Jobin de son expérience de classe est dans l’ensemble très prometteur. Les élèves sont beaucoup plus autonomes dans leur apprentissage et dans leur gestion du temps. De plus, ils sont beaucoup plus conscients qu’ils sont responsables de leur réussite ou de leur échec. Elle a comparé ces résultats avec ceux de l’année précédente et a observé qu’il y avait 13% moins d’échecs dans ses groupes actuels et que la moyenne générale était très légèrement supérieure. Bien que ces observations ne permettent pas de conclure que les résultats sont totalement attribuables à la classe inversée, elles démontrent au moins que les résultats ne sont pas inférieurs aux années précédentes. Cet argument peut donc être utilisé afin de rassurer les parents réfractaires à cette approche pédagogique. Finalement, les compétences acquises par les élèves dans le cadre du cours dépassent les simples connaissances en chimie et peuvent leur servir dans d’autres sphères de leur vie.

Pour plus d’informations, vous pouvez consulter les vidéos créés par Marie-Élaine Jobin sur son blog (www.mmejobin.ca) ainsi que sur Didacti (@marieelainej). Si vous avez des questions, vous pouvez toujours la contacter par courriel : mejobin@cpnf.ca.

Par :
Mathieu Arsenault
et
Julie Rivard (@julierivard)

Équipe de Chroniqueurs Web
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L'équipe de Chroniqueurs Web est composée d'étudiants et de retraités en enseignement qui livrent leurs impressions sur leur participation au colloque de l'AQUOPS.

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